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Dans l'antre de Lucile et l'info

18/01
Course aux scoops, longues heures d’attente sur le terrain, débats enflammés, mais parfois stériles… Il n’en fallait pas plus au créateur des célèbres Profs pour faire des chaînes d’info en continu sa nouvelle cour de récré. rencontre avec Erroc, le scénariste de la série.
 
Comment est née cette idée de traiter des chaînes d’info avec humour ?
Je regarde très peu ces chaînes et très peu la télé en général, quoique forcément un peu plus depuis que j’ai commencé à
écrire le scénario de Lucile et l’info. Tout a débuté pendant la crise des gilets jaunes durant laquelle j’ai lu une interview d’une jeune reporter de BFM TV qui racontait ses difficultés à couvrir ces manifestations. Je me suis dit que c’était un univers finalement assez méconnu. Parallèlement, depuis un certain temps, je cherchais à créer une nouvelle série humoristique portée par une héroïne. Je trouve que les femmes restent rares dans les BD d'humour. J'aime aussi l'idée que Lucile sortie tout juste de l’école de journalisme et se retrouve dans un milieu inconnu, et souvent hostile. De quoi imaginer pas mal d'aventures. Lorsque J'ai songé à cette héroïne, il se trouvait qu'on parlait de plus en plus des chaines d'info...
 
Quelle a été votre manière de travailler?
J'ai volontairement voulu garder ma vision de téléspectateur " lambda" et imaginer comment cela pouvait se passer derrière la caméra. Imaginer,reste ce que j’aime faire. Nous sommes bien loin d’un document sur le journalisme à la télévision ! L’idée était de créer quelque chose d’humoristique, de parodique, et surtout de pas très réaliste… et puis moins j’en sais, plus je m’autorise à inventer des choses un peu folles notamment dans les rapports entre les différents personnages. Je n’ai donc pas couru après les témoignages, j’ai juste regardé un peu plus les chaînes d’info lors de l’écriture des gags : je voulais quand même voir ce qu’on mettait à l’antenne. Certains personnages, assez truculents, peuvent faire penser à certaines personnes bien réelles. L’animateur-star en particulier, un certain Pascal… Celui-là en effet m’a été inspiré par un journaliste bien connu !
Sinon, j’ai constaté quelques archétypes qui reviennent souvent, et qui m’ont inspiré des gags, comme par exemple ces hommes politiques qui crachent sur ces chaînes, mais qui font tout pour y être invités, ou le défilé des « spécialistes de la
spécialité », notamment depuis le début de la crise sanitaire.
 
Comment s’est déroulé le travail avec Arnaud Poitevin ?
Je n’avais aucun dessinateur en tête quand j’ai eu l’idée de Lucile et l’info. C’est à Arnaud que j’en ai parlé en premier,
même si on est loin de l’univers des Spectaculaires. J’aime beaucoup sa manière de dessiner les femmes, et notamment
son héroïne qui ne ressemble à aucune autre. Il a pris du plaisir, je crois, à créer cette nouvelle galerie de personnages. Je lui
ai juste demandé de dessiner une fille « normale » qui débute sa carrière professionnelle. Et là aussi, je trouve qu’il a trouvé
un style très personnel. Au début, je lui ai donné clé en main quelques gags déjà écrits, puis Arnaud a eu plein d’idées visuelles pour enrichir l’histoire : la vapoteuse du patron, les vigiles aux allures très « boîte de nuit », les bandeaux défilants, le logo de la chaîne, les coulisses qu’il a dû totalement imaginer...

Se cache-t-il quelque message derrière ces gags ?
Je ne suis ni dessinateur de presse, ni documentariste, cette BD n’a pas vocation à dénoncer quoi que ce soit, cela reste un
album familial ! J’aime juste décaler un peu la réalité afin de faire naître le gag. Je crois que je reste toujours un peu enfantin,
même dans le cadre d’une BD pour adultes. D’un autre côté, j’espère qu’on aperçoit des choses dans les comportements humains, à travers un personnage qui a envie de bien faire son boulot, qui a des rêves, mais qui va de désillusions en désillusions. Il y a certes une part de réalité dans ce que je montre, mais tout n’est heureusement pas vrai. Je ne voulais surtout pas faire passer un message trop manichéen, car cette manière de s’informer vaut souvent mieux que beaucoup de ce qu’on trouve sur les réseaux sociaux. J’y ai même vu des débats plutôt intéressants. Je fais partie de ces « vieux » qui achètent encore des journaux (rires) et je trouve juste dommage que beaucoup ne s’informent que par le biais des chaînes d’info en continu, sans prendre le temps de digérer les infos, prendre du recul.
 
Parler de ces chaînes d’info dans notre quotidien reste finalement une manière d’évoquer notre époque : un point commun avec Les Profs ?

Certainement, mais ce n’est pas franchement conscient quand j’imagine les gags. J’essaye juste de rendre mes personnages humains. L’humour n’est pas que tartes à la crème. Avec Lucile, j’espère avoir donné naissance à un personnage qui n’est pas désincarné. Lucile a en effet une vie, un amoureux, des amis...
 
En lisant votre album, on se plaît à rêver que tout n’est pas perdu pour le journalisme télé !
Le présupposé d’écrire un album sur les chaînes d’info consisterait à leur casser du sucre sur le dos. Comme tout le
monde en dit déjà du mal, enfoncer des portes ouvertes ne m’intéressait pas. Je voulais juste faire vivre un milieu avec ses problèmes, ses défauts, ses contradictions. Les phrases du type « les journalistes sont tous des pourris, des vendus » me paraissent tellement réductrices. En réalité, je crois que les gens sur le terrain essayent de faire souvent tout ce qu’ils peuvent
en fonction des directives de leurs chaînes. J’ai toujours de l’empathie pour mes personnages, même pour le directeur complètement fou de cette chaîne, c’est dire. Car on se dit qu’il est aussi pris au piège par ce système. En revanche, je me demande si ces jeunes journalistes de terrain sont assez formés pour affronter le réel. Parfois à l’antenne, on a quand même l’impression que certains ne maîtrisent pas forcément tous les sujets ! Une manne extraordinaire pour créer encore d’autres gags, si l’on me permet l’écriture d’un deuxième tome...
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